Si le mot de démocratie a une signification aussi floue, faut-il vraiment en faire un élément constitutif de l’Europe et de sa construction ?
C’est la question que je me suis posée après les propos du président de la République française à Tunis. Exposant son projet d’Union pour la Méditerranée, il a rappelé combien « l’espace des libertés progressait dans ce pays ». Il n’est pas nécessaire d’être un expert en géopolitique pour savoir que le fonctionnement de l’État tunisien est bien différent de celui d’un État démocratique. Certes la diplomatie requiert des efforts de langages, mais cela suppose-t-il un relativisme absolu qui conduit à déclarer « Tout n’est pas parfait en Tunisie, certes, mais tout n’est pas parfait en France non plus » ?
Je reviendrai volontiers sur les progrès que la démocratie doit faire en France. Toutefois, je veux mettre l’accent ici sur la portée de tels propos à quelques semaines de la présidence française de l’Union Européenne. Le projet d’Union pour la Méditerranée se veut le remplaçant de l’accord « Euromed » signé en 1995 à Barcelone.
Ce partenariat a échoué, le constat est unanime sur le sujet. Il devait permettre l’accroissement des échanges économiques, culturels, sociaux entre les pays riverains. Il devait aussi favoriser le développement de la démocratie au sud de la Méditerranée et voir émerger un marché commun entre les pays du Machrek et du Maghreb.
Le projet d’Union pour la Méditerranée semble se contenter d’objectifs, certes louables, mais plus modestes (dépollution de la méditerranée, conservatoire du littoral européen, etc.). Il me paraît donc marquer une évolution importante de la perception de l’Europe par un dirigeant français. Il a longtemps été reproché à ceux-ci de voir dans l’Europe une extension du rêve de puissance de la France. Exacte ou non cela avait le mérite d’offrir un peu d’ambition à la construction européenne dans le débat franco-français.
L’universalité des droits de l’homme et des règles démocratiques est une idée consubstantielle de la construction européenne. Depuis quelques années l’idée que l’aide économique européenne pouvait être conditionnée par de tels critères (liberté d’expression, liberté de la presse, liberté syndicale, etc.) faisait son chemin. Cela ne fonctionne pas encore et l’échec d’Euromed en est un exemple. Faut-il pour autant renoncer à cette ligne de conduite ? L’Europe peut-elle exister sans préciser ce qui l’identifie ? Peut-elle infléchir la marche du monde sans préciser ce qu’elle attend de ses partenaires ? C’est la question du sens de l’Europe qui devra se poser dans un an.
Et les préalables à la présidence française n’annoncent rien d’exaltant.
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