Que valent les appels à moraliser l’économie si ceux qui seront en charge d’établir les règles de cette moralisation, en l’occurrence les élus – parlementaires, chefs d’Etat ou et de gouvernement - sont exposés aux mêmes risques de dérives que les patrons de grandes entreprises, financiers, banquiers et autres traders ?
Le propos peut paraître excessif ainsi que la comparaison mais il est pourtant opportun. Puisqu’il est question du devoir d’exemplarité des dirigeants d’entreprise, il convient de s’interroger aussi sur l’éthique et les garde-fous dont disposent nos représentants, élus démocratiquement. Les projets d’une vaste réorganisation des collectivités locales en France s’ajoutent à ce contexte et confirment la nécessité d’ouvrir une discussion.
Quels seraient les enjeux de cette moralisation de la démocratie ? L’élu doit-il être exemplaire et comment cette exemplarité peut-elle se manifester ? Le besoin de régulation restaure la capacité de décision du politique mais qu’en est-il de sa responsabilité et des moyens d’assumer celle-ci ? Ou se place la question de l’éthique dans la définition du statut et du rôle de l’élu ? Le sujet est vaste et nous n’avons pas la prétention de le traiter dans toutes ses dimensions. Simplement nous soumettons ici quelques pistes à la réflexion.
La question des plafonds de rémunération se pose aujourd’hui aux dirigeants d’entreprises. En fait, aux dirigeants des grandes entreprises, celles cotées en bourse, car les autres sont bien éloignés de ces salaires à 5 ou 6 chiffres. Qu’en est-il des élus, et dans la même logique, des « grands élus » ? Sans proportion, ils peuvent toutefois bénéficier d’indemnités que la loi plafonne à 8160 € mensuel, montant atteint lors d’un cumul de mandats (parlementaire et élu local notamment). Toutefois il est important de noter que les indemnités au titre des fonctions au sein d’intercommunalités ou de syndicats intercommunaux ne sont pas intégrées dans ce plafond. A l’identique, certains élus bénéficient de jetons de présence au sein des SEM ou autres organismes HLM, et rares sont les collectivités locales qui considèrent ces représentations comme attachées à la charge des élus, donc gratuites. Il est donc bien difficile d’obtenir la transparence sur la rémunération dont bénéficient les élus. Voilà un premier point commun avec le monde des affaires où ce principe est essentiel à tout processus de moralisation.
De plus le système décrit génère une boulimie de postes et de fonctions peu en rapport avec le temps dont l’élu a besoin pour travailler efficacement. Le risque est alors patent d’une simple représentation et d’un abandon de compétences aux services administratifs, parallèle évident avec les conseils d’administration des grands groupes dont les membres ne pilotent plus l’entreprise.
Cette capacité de l’élu à assumer pleinement sa responsabilité est de fait mise en cause dès qu’il y a cumul de mandats. Quand bien même il ne compte pas ses heures, les arguments justifiant le cumul ne résistent pas à la réflexion sur l’implication qui lui est légitimement demandé en démocratie.
Plus grave, ce plafond indemnitaire, dont il faut rappeler qu’il s’entend aussi hors frais de mission et de représentation, crée un système d’écrêtement. Par ce terme on signifie la possibilité pour un élu de reverser son « trop perçu » à un autre élu. Qui ne voit pas là que l’éthique est sérieusement bousculée ? Cette pratique offre en effet à l’élu qui cumule quelques obligés bien en peine de s’opposer à lui à l’avenir. On voit combien ce système d’indemnisation des élus s’entremêle parfaitement avec la multiplicité des strates politico-administratives dont la France a le secret. Ensemble ils génèrent une forme de sédimentation de la vie politique où le renouvellement des hommes et des idées est difficile.
Dès lors où trouver l’énergie démocratique nécessaire pour impulser une réforme de notre organisation économique et sociale rendue nécessaire par la crise ? Un système non vertueux ne peut résister par la vertu de quelques-uns, c’est un enseignement de la crise que nous vivons. Il vaut aussi pour la démocratie. Réformer celle-ci autour du non-cumul, de la transparence des rémunérations des élus et de la simplification administrative est une nécessité.
A propos de morale en politique... avant le 7 juin, ne pas se tromper !
Les Socialistes allemands viennent d'annoncer qu'ils soutiennent le président sortant de la Commission européenne pour lui donner un nouveau mandat. Le très libéral Portugais José Manuel Barroso a donc les faveurs d'une grande partie de la gauche européenne, dont les candidats se présentent au parlement de Strasbourg. Barroso a aussi le soutien des conservateurs, et notamment de l'UMP. Le PS français, comme le rappelle Martine Aubry, est fier de présenter un "programme commun" avec ses voisins socialistes. Dans ce "Manifeste", on peut lire : "la droite suit le marché, nous suivons nos convictions". Et quelle sera l'attitude des députés europeéns socialistes élus en France, face à la nouvelle candidature de Barroso, l'homme du supermarché ?
Le président Barroso, pendant son mandat, a répété au parlement qu'il ne proposerait jamais d'initiatives sans avoir obtenu, avant, l'accord des 27 Etats membres ! Ce qui a donné une Commission à la solde des marchandages entre dirigeants, pas très respectueuse des députés européens et des citoyens de l'Union. C'est contraire au pouvoir d'initiative et à l'ambition théorique de la Commission européenne. C'est contraire au sens des Traités. C'est contraire à l'idée des Pères fondateurs de l'Europe.
La Commission doit imaginer des pistes audacieuses pour servir les citoyens, même si les Etats sont a priori contre. C'est après que ça doit se discuter, dans la démocratie, entre le Conseil de l'Union et le Parlement (ce qu'on appelle la co-décision, que le Traité de Lisbonne prévoit de renforcer). Si l'Europe n'avait eu que des présidents de Commission comme Barroso, on n'aurait jamais vu ni les fonds structurels européens qui financent les régions, ni l'euro qui stabilise l'Union dans la crise...
Le 7 juin, le vote utile pour les citoyens, ce n'est pas celui qui permettra de reconduire Barroso dans ses fonctions, à la faveur de cette entente entre socialistes et conservateurs européens. Les candidats qui veulent faire avancer l'intérêt général européen, qui croient autant à la France qu'à l'Europe, portent des valeurs humanistes, pas des programmes d'arrangements entre les amis du pouvoir déjà en place.
Rédigé par : laurent | 31 mai 2009 à 17:33